Na Loba, «plus qu'amie», la Dame louve de la croisade contre les Albigeois.

Publié le 11 Mars 2017

Sulfur.

 

Tu sens le soufre.

 

On me l'a dit quelques fois. Cela m'a toujours blessée, car je ne comprenais pas pourquoi.

 

Si je me questionne sur l'appartenance catholique, même inconsciente, de certains occitanistes -car je ne peux simplement pas comprendre qu'après toutes ces persécutions, tous ces massacres (des cathares aux franc-maçons, en passant par les templiers et les sorcières),  certains se revendiquent encore de cette religion en terme de spiritualité, à moins que seul le gout du pouvoir ne les anime-, c'est que les choses sont claires : les manifestations de ces dernières années contre les droits des homosexuels, la régression des droits ainsi que des libertés des femmes, visant à repositionner la famille dite traditionnelle comme exemple moteur et fondamental de la Société sont, aussi, des persécutions. Mais si je me questionne pareillement sur les sympathisants cathares fleurtant avec les droites extrêmes, je ne peux non plus me réduire à penser que le déclin de notre belle civilisation soit le fait de Na Loba, la sulfureuse louve dont personne ne sait lire le mercure, archétype de femme plutôt que celui de mère, à l'instar de Marie-Madeleine face à la Vierge ou Lilith plutôt qu'Eve, femmes libres assimilées à des démones prostituées par les pères de l'église comme le fut Acca Larentia, lupa, à l'origine de Rome, et certainement issue d'un culte anciennement Étrusque. Tellement facile, encore une fois, d'exciser symboliquement la force et la fougue féminines, de museler le(s) désir(s) des femmes, et de les voiler afin de les soumettre, en niant leur être plutôt que d'éduquer ces mâles au consentement et au respect. La louve, symbole fort chez les Celtes, les Romains et les Nordiques (entre autres), symbolisant les instincts, la force et la puissance, le retour à la nature sauvage, la meute ... La louve, mère adoptive de Mowgli, aussi.

Dans l'absolu, distinguant l'être humain de ses pensées et de ses actes, l'un étant ontologiquement bon (concept d'égalité concernant ce qui nous anime) et le reste dépendant de l'expérience, donc du vécu, du conditionnement familial et sociétal, des tramas et autres fractures psychiques, du rapport à la violence et à la souffrance, au bonheur, de la résilience au malheur, de la capacité à aimer et être aimé, de la chimie du cerveau etc etc. Bref, de son rapport individuel au monde.- Néanmoins, au delà des conceptions philosophiques sur la nature des esprits ou le sexe des anges, ne pouvant relever que de l’agnosticisme me semble-t'il, il faut admettre que si seul l'Amour peut être céleste et divin, on ne peut nier que la réflexion initiale censée mener à un cheminement spirituel ne peut aller de paire avec la violence exprimée par certaines croyances menant à un endoctrinement servant la malignité, le pouvoir... Je ne pense pas que nous puissions comparer les droites extrêmes intimant les pauvres à rester asservis, esclaves du Système dont les salaires ne permettent qu'à payer leurs factures, ou encore alimentant et protégeant l'hégémonie phallocrate visant à faire des femmes des esclaves sexuelles et domestiques ou encore excluant et persécutant des êtres humain.e.s plus bronzé.e.s, selon leurs convictions spirituelles ou leurs choix amoureux et les luttes pour la justice, l'égalité et la vérité de ces mêmes persécuté.e.s, humilié.e.s, violenté.e.s, esclaves modernes, victimes du patriarcat.

D'ailleurs, tout comme le fait ci-dessous la philosophe Simone Weil, j'ai personnellement attribué la cause de cette défaite Occitane au Comte de Toulouse ici.

"Ce coup les fit plier ; il avait été infligé à cet effet. Il ne leur fut pas permis de s'en relever ; les atrocités se succédèrent. Il se produisit des effets de panique très favorables aux agresseurs. La terreur est une arme a un seul tranchant. Elle a toujours bien plus de prise sur ceux qui songent a conserver leur liberté et leur bonheur que ceux qui songent à détruire et à écraser ; l'imagination des premiers est bien plus vulnérable, et c'est pourquoi, la guerre étant, avant tout, affaire d'imagination, il y a presque toujours quelque chose de désespéré dans les luttes que livrent les hommes libres contre des agresseurs. Les gens d'oc subirent défaite après défaite : tout le pays fut soumis. S'il faut croire le poète, Toulouse, ayant prété serment à Simon de Montfort, sur le conseil du comte de Toulouse lui-même, après la défaite de Muret, ne songea pas à violer sa parole ; et sans doute les vainqueurs auraient pu s'appuyer sur l'esprit de fidélité qui dans ce pays accompagnait toujours l'obéissance. Mais ils traitèrent les populations conquises en ennemies, et ces hommes, accoutumés à obéir par devoir et noblement, furent contraints d'obéir par crainte et dans l'humiliation. "  Simone Weil, "L'inspiration Occitane".

"Mais que personne ne pense que je m'abaisse pour les riches, s'ils deviennent pires qu'ils ne sont ; car une joie pure naît en moi et me guide ; cela me tient doucement joyeux et me délasse dans la parfaite amitié de celle qui me plaît le plus ; et si vous voulez savoir son nom, demandez-le dans la contrée de Carcassonne." Peire Vidal

Alors, encore un mythe misogynisé?

 

Avec sororité.

Illustration : "Na Loba" toile en cours, noir et bronze, acrylique

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